Journée de la femme africaine, 31 juillet à Goma : une visite, un cri, une urgence
À l’occasion de la Journée panafricaine de la Femme 2025, célébrée cette année sous le thème continental « Faire progresser la justice sociale et économique pour les femmes africaines par le biais des réparations », deux femmes leaders ont choisi d’incarner le message par un acte concret. La Présidente de Programme d’Action Communautaire des Femmes pour le Développement Intégrée madame Liberata et la Secrétaire Exécutive de l’Observatoire pour la Défense des Droits des Personnes Handicapées madame Monique, se sont rendues dans un des quartiers les plus vulnérables de Goma, non pas pour prononcer des discours, mais pour poser un geste d’humanité. Leur destination : la modeste maison de Madame Kavira, une femme brisée par un acte de barbarie survenu au mois de Janvier de cette année, qui l’a laissée avec un handicap permanent. Depuis cet événement, aucune forme de réparation ni d’accompagnement n’a été accordée à cette survivante, comme à tant d’autres femmes dont les cris se perdent dans le vacarme de l’oubli.
Cette visite solidaire, empreinte de compassion et de dignité, visait à
briser le silence qui entoure les femmes oubliées vivant dans les zones dites
rouges de Goma. En apportant à Madame Kavira une modeste aide en vivres, les
deux responsables ont voulu rappeler que la justice commence par la
reconnaissance de la souffrance. Leur présence, bien plus que le contenu de
leur panier, a porté un message puissant : les femmes africaines sont
bâtisseuses de paix, gardiennes de résilience, et porteuses de mémoire. Elles
refusent d’accepter que la souffrance des plus vulnérables soit normalisée.
Dans un contexte socio-économique marqué par l’insécurité, les déplacements
forcés et l’effondrement des mécanismes de protection sociale, la vie
quotidienne dans le Nord-Kivu est un combat permanent. Pourtant, même dans les
interstices de la pauvreté extrême, les communautés locales font preuve d’une
solidarité impressionnante. On partage le peu qu’on a, non pas par excès, mais
parce que la dignité humaine l’exige. Ce tissu communautaire, fait d’entraide
et d’empathie, est l’expression vivante de la résistance africaine. Il illustre
ces valeurs de courage, d’humanité et de résilience que le thème de cette année
cherche à honorer et amplifier.
Mais l’histoire de Madame Kavira ne s’arrête pas à sa douleur. Elle se prolonge dans le regard épuisé de sa fille aînée, une adolescente de seulement 15 ans. Pour nourrir sa famille, elle a dû abandonner l’école et travailler chaque jour, dès 5 heures du matin, dans une usine de production de boissons fortement alcoolisées. Là, elle gagne à peine 5 000 francs congolais par jour – moins de deux dollars – qu’elle ramène à la maison après une longue journée, pour préparer un repas qu’elle sert à sa famille vers 23 heures. Son enfance s’efface, consumée par l’effort, le danger et la fatigue, pendant que ses rêves s’amenuisent dans l’ombre d’un quotidien trop lourd. Son père, policier, a disparu lors des affrontements armés à Goma, et depuis, c’est elle qui porte silencieusement le poids de l’absence et de la survie.
Ce témoignage, aussi bouleversant qu’injuste, est un appel lancé aux consciences. Il interpelle les autorités locales, les partenaires internationaux, les ONG, et tous ceux qui prétendent œuvrer pour la justice. Il ne s’agit pas simplement d’une aide ponctuelle, mais d’un véritable plaidoyer pour une réparation durable. Redonner une vie digne à cette jeune fille, c’est affirmer son droit à l’éducation, à la sécurité, et à un avenir différent. C’est aussi reconnaître que derrière chaque statistique, il y a un visage, une voix, une histoire.
En cette Journée panafricaine de la Femme, nous devons aller au-delà des symboles et des slogans. C’est le moment de poser des actes qui transforment la vie de celles qui, dans l’ombre, continuent de lutter. Que l’histoire de Madame Kavira et de sa fille ne soit pas une tragédie de plus, mais un signal de réveil. Une raison d’agir. Un miroir tendu à nos responsabilités collectives. Ensemble, faisons-en sorte que la justice sociale et économique pour les femmes africaines ne soit plus une promesse abstraite, mais une réalité tangible. Car chaque jour où l’on tarde, c’est une vie qu’on laisse tomber.
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