Journée internationale de la surdité-cécité : une lumière dans l’obscurité, depuis Goma

Le 27 juin 2025, le monde célèbre pour la première fois la Journée internationale de la surdité-cécité, une date choisie en hommage à Helen Keller (1880-1968). Devenue sourde et aveugle à 19 mois, cette militante américaine a surmonté son double handicap pour devenir une figure emblématique de l'inclusion. En 1904, elle fut la première personne sourde-aveugle à décrocher un diplôme universitaire, au Radcliffe Collège. Elle est aujourd’hui un symbole d’espoir pour des millions de personnes dans le monde vivant avec une double déficience sensorielle.

Biographie d'Helen Keller

Cette première célébration de la Journée internationale de la surdité-cécité s’inscrit dans la continuité de la 18e session de la Conférence des États parties à la Convention relative aux droits des personnes handicapées (COSP, de l’anglais Conference of States Parties to the Convention on the Rights of Persons with Disabilities), qui s’est tenue du 10 au 12 juin 2025 au siège des Nations Unies à New York. Cette session avait pour thème : « Renforcer la sensibilisation du public aux droits et aux contributions des personnes handicapées au développement social dans la perspective du deuxième Sommet mondial pour le développement social. » C’est dans ce contexte qu’a été prise la décision de célébrer désormais, chaque 27 juin, une Journée internationale dédiée à la surdité-cécité. Pour cette première édition, le thème retenu est : « L’accès à l’information et à la communication est un droit fondamental pour les personnes sourdes-aveugles. »

 https://www.un.org/fr/observances/deafblindness-day

Un lieu d’espoir au cœur d’une zone de conflit : l’école Hope DeafBlind School de Goma

Dans ce contexte mondial, la visite de la Secrétaire Exécutive de l’Observatoire pour la Défense des Droits des Personnes Handicapées (ODDPH) à l’école Hope DeafBlind School Goma, un département du centre Nguvu Yetu, a été une expérience profondément marquante. Fondée en 2018, cette école est à ce jour la seule structure éducative en République Démocratique du Congo spécialement dédiée aux enfants sourds-aveugles vivant en situation de grande vulnérabilité. L’établissement a commencé modestement, avec seulement huit enfants, originaires des territoires de Massisi et Rutshuru, des zones touchées de plein fouet par les conflits armés, la pauvreté et l’instabilité. Ces enfants étaient souvent victimes d’exclusion, de stigmatisation et parfois de traitements inhumains. Dans certaines communautés, la double déficience sensorielle était perçue comme une honte, poussant des familles à cacher, voire enfermer leurs enfants, sans soins ni interaction. Ces enfants sont soit orphelins de guerre, soit abandonnés dans la rue ou à défaut confiés à des grand-mères démunies et fatiguées, elles-mêmes en situation précaire. Chaque enfant accueilli dans cette école porte en lui une histoire bouleversante, mais aussi une possibilité de renaissance grâce à l’éducation et à l’accompagnement adapté.

Derrière cette initiative, il y a une conviction profonde et un engagement humain exceptionnel. L’existence de cette école est le fruit de la vision courageuse du pasteur Kamonyo Botanyi Joie-Pascal, fondateur et promoteur du centre. En l’absence de financement étatique ou institutionnel régulier, c’est sa détermination, sa foi, son soutien financier personnel et l’appui de quelques personnes de bonne volonté qui ont permis au projet de voir le jour et de se maintenir jusqu’à aujourd’hui. Son rêve est simple mais ambitieux : offrir à ces enfants une éducation digne, des soins médicaux, des repas quotidiens, et surtout une vie pleine de sens, malgré les obstacles.

Jonas, tout comme Anne Sullivan la première enseignante de Helen Keller, est un expert dévoué au service des enfants qu’on refuse souvent de voir. L’école est dirigée par Jonas, un homme humble, passionné et engagé, spécialiste de l’éducation des enfants sourds-aveugles et interprète en langue des signes. Depuis la création de l’établissement, il s’investit sans relâche pour faire vivre ce centre dans un environnement marqué par de nombreuses contraintes. Grâce aux formations continues assurées par des spécialistes ougandais, notamment Alice Nabanja, Jonas et son équipe ont acquis une solide expertise en langue des signes tactile, en communication adaptée et en pédagogies individualisées. Il travaille dans des salles de classe non adaptées, avec un matériel pédagogique quasi inexistant, dans une infrastructure fragile. Pourtant, son énergie, sa créativité et sa foi dans le potentiel de chaque enfant démontrent qu’avec de l’engagement, l’amour et la compétence peuvent parfois pallier le manque de moyens financiers.

Une réussite artisanale du centre : le miracle de la persévérance, malgré les obstacles, des histoires de réussite émergent. L’une d’elles est celle d’un enfant Sabato Samuel, sourd-aveugle accueilli dans l’école alors qu’il ne savait ni marcher, ni s’exprimer. Aujourd’hui, il est artisan, capable de créer de ses mains des objets artisanaux (bracelets qui lui permet de reconnaitre ses proches) qu’il offre gratuitement. Une réussite modeste mais symbolique, qui témoigne de la capacité des enfants sourds-aveugles à devenir autonomes et utiles à la société si on leur en donne la chance.

L’éducation des enfants sourds-aveugles est coûteuse et exigeante : internat, nourriture, soins médicaux, vêtements, manuels spécifiques, encadrement de qualité, loisirs encadrés, etc. Le centre ne peut continuer à fonctionner sans l’accompagnement de partenaires et de bailleurs engagés pour une éducation inclusive.

En cette Journée internationale de la surdité-cécité, l’école Hope Deafblind School appelle à une mobilisation urgente et collective. Pour que ces enfants ne soient plus oubliés. Pour que le silence et l’obscurité cèdent la place à la lumière et à l’expression. Pour que le droit à l’éducation devienne une réalité, même en temps de guerre.

Célébrer la Journée internationale de la surdité-cécité, ce n’est pas seulement honorer la mémoire d’Helen Keller. C’est ouvrir les yeux sur des réalités oubliées, soutenir les héros silencieux comme Jonas, et encourager les bâtisseurs de paix comme le pasteur Kamonyo Botanyi. C’est surtout donner une voix à celles et ceux qu’on n’écoute jamais.

MKS, SE ODDPH

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